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SON ALTESSE ROYALE, Monseigneur le Duc d’Orleans, Regent du Royaume, a ordonné une fête publique, où l’on n’épargnât rien pour celebrer l’heureuse arrivée de l’Infante, Reine, à Paris; la magnificence de ce grand Prince, y éclatera avec toute la pompe imaginable, et comme le sujet de cette Fête est le chef-d’œuvre merveilleux de sa Régence; on ne verra dans cette solemnité que des objets marquez, pour ainsi-dire, au coin de l’admiration, et qui la feront regarder dans tous les tems, comme l’Epoque la plus Glorieuse de la Monarchie Françoise.
S. A. R. a choisi Monsieur Openor, Escuyer, Directeur General de ses Bâtiments, pour faire le dessein, et diriger l’exécution du Feu d’Artiffice et des Illuminations; cet édifice de flammes elevé sur les ombres de la nuit, sera orné des décorations les plus simples, quoyque les plus nobles de l’Architecture.
On verra d’abord la Place du Palais Royal décorée, tout au tour, d’un ordre de bossage feint en Marbre, profilé d’une quantité prodigieuse de Lampions, qui comme autant d’Etoilles brillantes, formeront un espece de firmament terrestre; on entrera dans la Place par deux Arcs de Triomphe, dressez aux deux avenuës de [seite 2] la ruë Saint Honoré, ils seront d’un ordre Dorique isolé à double face terminé par un Attique, courronné des Armes de France, avec des Lustres et des Girondoles; aux deux côtés de la Place. Depuis les Arcs de Triomphe, jusques aux ruës Fremanteau et S. Thomas, regneront deux Portiques, soutenant deux galleries découvertes, dont la balustrade sera ornée de Tapis feints en velours, brodé d’or et éclairée, d’espace en espace, d’obelisques et de Girandoles ardantes, qui rehausseront les riches parures de la foule extraordinaire du beau monde qu’on y aura placé, deux Arcs de Triomphe en retour, termineront les deux galleries, et marqueront l’entreé des ruës Fremanteau et Saint Thomas, ils seront couronnez de deux Pavillons feins en drap d’or, au milieu desquels on apercevra (en Marbre blanc) les Portraits du Roy et de l’Infante, Reine, le premier à la droite et le second à la gauche, tous les deux dans un ordre convenable, entourrez de Guirlandes de Fleurs naturelles, semées d’une multitude de Luminaires qui sembleront emprunter [350] leur éclat de ces deux Astres de la Royauté; entre les deux Arcs de Triomphe se presentera la façade servant de baze au Feu d’Artifice, construit dans le même ordre qu’on a dit cy-devant, avec portique, gallerie découverte, Tapis Royal feint en velours brodé d’or, obelisques et Girandoles ardantes; le milieu de cette façade sera paré d’une grande Arcade, cantonnée de Pilastres et d’arriere corps, profilés par de Cariatides de Bronze doré, au-dessous du ceintre de l’Arcade paroîtront les Armes de France et d’Espagne, accolées dans le même Cartouche, surporté par la. Renommée et la Victoire sur un fond, orné d’un Tapis Royal, cantonné de deux Cartouches ovales, daus lesquels seront représentez les Chiffres du Roy et de l’Infante Reine. La balustrade posée sur le Portique, sera soutenuë eu ces endroits-là par deux Tritons, terminez en guaine, accompagnez de Coquilles et de plantes Aquatiques.
Ces ornemens seront surmontez d’un Soleil d’Artifice, environné de cent rayons, qui jetteront autant de torrents de lumiere durant cinq quarts d’heure, au-dessus des Armes de France et d’Espagne accolées, et au deux côtez de la Couronne Royale, paroîtra une Banderôle voltigeante, sur laquelle on lira en gros caractere d’or, ces mots Latins:
[seite 3] Nativo junguntur amore.
L’amour du Sang les unit.
Ces paroles se rapportent également au Mariage du Roy avec l’Infante, et au Mariage du Prince des Asturies avec Mademoiselle de Montpensier, et comme tous les quatre sont des rejettons Illustres de l’Auguste Race des Bourbons, les Armes des deux Couronnes jointes ensemble, forment sur ce sujet une emblême fort naturelle, avec ces mots Latins qu’on vient de lire, et qu’on pourroit ainsi paraphraser à la loüange de Son Altesse Royale:
Quel prodige en ce jour! fais-tu Regent Celebre?
L’himen joint, par tes mains, quatre Lys les plus beaux,
Et tu sçais allumer ses plus brillants flambeaux,
Dans les flots couroucez de la Seine et de l’Ebre.
Au-dessus de la même Arcade, on appercevra dans l’éloignement la cime du Mont Ætna, d’où le gros de l’Artifice partira avec tant d’impetuosité qu’on croira que les Titans ensevelis sous cette Montagne infernale ressuscitent en fureur, et qu’ils poussent mille rochers brûlans jusques au Thrône de Jupiter, pour se vanger de ce [351] qu’il les écrasa de son foudre, lorsqu’il tentèrent d’escalader l’Olympe, pour le chasser de son Thrône: on verra (dans des attitudes admirables) les trois principaux Titans; sçavoir, Encelade, Coée et Tiphon, accablez sous les rochers de cette Montagne, laquelle s’entr’-ouvrira d’intervalle en intervalle, et semblera vômir chaque fois tous les feux des Enfers et transporter Pluton lui-même sur des nuages fulminants: cet artifice prodigieux s’étendra aux deux Galleries qui regneront aux deux côtez de l’Arcade, et qui seront garnies d’Orangers feints; audevant de l’Arcade, il y aura une fontaine d’une composition toute singuliere et parfaitement belle, il en sortira un jet de feu liquide, qui formera une Cascade à doubles napes, lesquelles tomberont dans un Bassin en saillie, de sorte que la fontaine d’eau nouvellement construite en cet endroit-là, paroîtra metamorphosée en fontaine de feu; outre cette fontaine, il y en aura quatre autres d’où le vin coulera à grands flots par la bouche de quatre masques, deux desquels seront [seite 4] placez au milieu des deux portiques de la façade, et les deux autres au milieu des portiques des deux côtez de la Place; cette boisson abandonnée au peuple donnera lieu à une Comedie Bachique infiniment recréative; plusieurs muids de vins en fourniront la matiere; les Trompettes et les Tymbales, avec beaucoup d’instrumens de Musique, en composeront l’orquestre.
La façade du Palais Royal donnera un grand relief au spectacle de la Place; par l’illumination pompeuse qui l’éclairera, sa grande porte sera couverte d’un dais en forme de Pavillon brodé d’or, couronné de deux grandes Aigrettes; ce Pavillon marquera la place du Roy, et portera dans le bas relief en Camayeu, cette legende en lettres d’or:
L’alliance de la France avec l’Espagne.
Les principales Architectures de cette façade seront profilées de flambeaux de cire blanche et de lampions innombrables.
Les deux courts interieures de ce Palais auront la même décoration lumineuse. Un bal des plus superbes dans tous les Appartemens, avec beaucoup de rafraichissemens des plus délicieux, précedera, de deux jours, ce spectacle magnifique; je n’en diray pas d’avantage de peur d’eu diminuer la splendeur par la foiblesse de mes expressions.
Veu, Permis d’Imprimer, ce 13. Mars 1722.
Paris den 19 Mertz 1722 (N. 76).
Hertzallerliebe Louise, vorgestern habe ich Ewer liebes schreiben vom 7 Mertz, no 18, zu recht entpfangen, hab seyder dem meine zeit gar nicht woll zugebracht; den sontag ist mein sohn krank worden, hatt einen starcken husten bekommen mitt fieber, man hatt ihm sontag abendts undt montag morgendts zur ader gelaßen, in allem 41 ontzen, woll gegen meinen willen. Daß hatt zwar daß fieber verdrieben, aber der starcke husten ist geblieben undt auff die brust gefallen, gibt ihm eine abscheüliche opression[1], wo mir recht angst bey ist. Die docktor, so nicht gestehen wollen, daß sie mitt ihrer starcken aderläß übel gethan, sagen, es were keine gefahr, allein ich trawe der sach kein haar[2]. Mir hatt man den dinstag undt mittwog den grünen safft schlucken machen, mitwog hatt es mich 9 mahl gar starck purgirt; den andern tag, alß gestern, hatt man mir nur den 3ten theil geben, bin also nur 5 mahl gangen, hatt mich doch sehr abgematt undt starcke krämpff geben, so mich übel schlaffen machen. Ich glaub, daß meins sohns zustandt mich auch viel ahm schlaff verhindert, weillen ich sehe, daß sein docktor die sach so schlegt ahnfängt. Mein sohn hette sich dießes husten woll endtbehren [können], wen er meinen raht gefolgt hette. Vergangen montag 8 tag nahm er medecin, so ihn starck purgirt; er kam zu mir undt [sagte], er müste zu deß konigs illumination undt fewerwerck; ich andtwortete, daß, weillen es ja so absolutte nöhtig were, daß er hin müste, konte ich nichts dagegen sagen, allein ich batte ihn, umb gotts willen in des kön[i]gs cammer zu bleiben undt nicht in der damahligen gar kalte lufft undt scharpffen nortwindt deß nachts zu gehen. Aber hirin ist mein raht gefolgt worden wie in allen andern sachen; mein [sohn] ist, [346] nachdem er auß einer gar wannen cammer gangen, ist er die halbe nacht in der kalten lufft bey dem feüerwerck geblieben undt [hat] dort den starcken husten auffgefischt, so er noch hatt. Waß dießen husten noch mehr vermehrt, ist, daß er donn[e]rstag bey seinem bal geweßen, wo er sich viel mühe geben, alles woll ahnzuordenen; hatt auch woll reussirt, aber es war eine abscheüliche hitze in dem sahl, hatt den könig wider ahn die kutsch bekleydt, wo ein kalter windt noch war. Waß aber alles noch schlimmer gemacht, ist, daß er ohne hudt noch auff dem balcon geblieben bey seinem fewerwerck ohne hutt, daß hatt den garauß gemacht. Da kompt er eben herein.Donnerstag, den 19 Mertz, umb ein viertel auff 7 abendts.
Ich habe nicht eher, alß nun, wider zum schreiben gelang[e]n [können], alß nun. Den nachdem mein sohn weg gangen, seindt mir hindernüßen zugestoßen; ich habe einen heürahts-contract unterschrieben, habe mitt Chausseray[e] geplauttert, so zu mir komen. Hernach habe ich mich ahngezogen, bin in die capel betten gangen, herna[c]h gleich ahn taffel, wo viel abgesanten undt envoyes kommen, der von Savoyen, der [von] Hollandt, der vom malteyschen ordre undt die envoyes von Spanien, von Lotteringen, von Holstein, von Modene, von Florentz, der pfaltzische secretarius, der schwedische agent, der preüssische, auch, ich weiß nicht, wer noch kommen. Gleich nach dem eßen ist der albere printz von Württenberg, der Schleßinger[3], her kommen, hette mich gern in seine affairen mischen wollen; aber ich habe ihm Teütsch herauß gesagt, daß ich mich in keine affairen mische, daß meine resolution hirauff gefast seye undt daß mich nichts in der welt davon abhalten konte, noch endern; damitt hab ich ihn fort geschickt. Hernach seindt noch 2 interuptionen kommen, habe hernach ein wenig geschlaffen. Wie ich wacker worden, habe ich viel brieff auff meiner taffel gefunden, unter andern einen von Lenor; die wirdt baldt wider hir sein, wirdt zukümfftigen montag von Strasburg auffbrechen. Wie meine dochter sie ein par tag zu Luneville auffhalten wirdt, so glaube ich, [347] daß sie nicht eher, alß in ein tag oder 14[4], hir sein wirdt; schreibt mir gar einen poßirlichen brieff. Aber es ist auch zeit, daß ich wider auff den Ewern[5] schreiben komme, liebe Louise, wo ich heütte morgen geblieben. Ich sehe die artliche infantin nicht offt genung, umb mir groß zeitverdreib zu geben. Es ist hir nicht wie zu Versaille, Marly, Trianon undt Fontainebleau, da man alß beysamen war morgendts undt abendt. Hir lebt ein jedes vor sich weg, recht bürgerlich; der könig speist au[x] Thuillerie[6] a part, die infantin au Louvre, mein sohn mitt seiner geselschafft, madame d’Orléans mitt ihrer, ich gantz allein, undt so zu sagen hatt ein jedes seinen eygenen hoff. Daß gefelt mir nicht, daß leben zu deß königs zeitten gefiehl mir viel beßer. Es ist gewiß, daß es ein wunder ist, den verstandt, so die kleine infantin vor ihrem alter hatt, etwaß gar su[r]prenants. Sie macht mir offt bang, wen ich sie so raisonabel reden höre, forcht alß, daß sie jung sterben wirdt[7], trost mich recht, wen ich sie waß kindisch thun sehe, den ich habe mein leben nicht dergleichen gesehen. Die duchesse de Vantadour[8] ist gar zu samfftmüttig, ein schlau kindt woll zu erziehen; ich glaube, daß sie braff verzogen wirdt werden. Sie ist gar zu possirlich mitt ihrem könig, sagt:Je le trouve beau, bien fait, il a des[9] beaux cheveux et je l’aimerois fort, mais je sais bien, que sil qu’il ne[10] me parle pas plus, qu’il fait, que mon amitie diminuera pour luy.Ich schicke Eüch hir bey die relation von dem hießigen fewerwerck, welches warhafftig recht schön geweßen. Ihr werdet auß mein[e]m letzten schreiben ersehen haben, wie daß mir der einzug gar nichts geschadt hatt. Ich habe Eüch auch schon bericht, wie ich so woll alß die infantin gar baldt vom bal weg sein undt keine halbe stundt geblieben. Ewer liebes schreiben, so ich nicht entpfangen, wirdt woll gar verlohren [sein]. Ich bitte Eüch, liebe Louise, last wider von den talck-schachteln kommen! Sie divertiren diß kindtgen gar zu woll. Ich habe nichts mehr, alß schraub-thaller, so woll [348] reussirt haben. Wen die leütte auff der post einen brieff verliehren, ges[t]ehen sie es ist[11]. Ach, liebe Louise, zereist Ewe[re] brieffe nie! Den daß erstickt mich, wen ich nur dran gedencke. Ich erwahrte meinen vettern, printz Carl von Heßen Philipsthal, mitt verlangen. Monsieur Martine ist schuldig dran, daß ich ihn nicht geantwort habe; den er hatt mich von ein[e]r wochen zur andern versichert, daß er hir sein würde. Monsieur Martine muß nicht wißen, daß sein herr, der landtgraff, krank ist; ich habe ihn heütte gesehen, hatt mir kein wordt davon gesagt. Hir seindt auch gar viel krancken ahn husten undt brust-wehe. Zu meiner zeit hatt man die Manheimer lufft auch vor gar böß [gehalten], mir aber hatt sein leben kein finger dort wehe [gethan][12]. Die printzes von Wallis admirirt Ewer ni[e]pce von Holdernesse standthafftigkeit in ihrem unglück; sie jamert mich recht von grandt der seelen; ihr sohngen solle wieder gesundt sein. Ich werde in 14 tagen erfahren, nein, nicht so lang, biß sambstag über 8 tag wehrdt ich erfahren, wie man die princes von Sultzbach ahn savoyischen hoff gefunden. Gibt mir gott leben undt gesundtheit biß dar, werde ichs Eüch berichten. Aber es ist eher zu glauben, daß sie eher heßlicher, alß schönner, werden wirdt. Ich kan ohnmoglich dießen brieff überleßen, ich muß nach bett, den meine 2 medecinen von gestern undt vorgestern haben mich gantz abgematt, muß nach bett. Adieu den, liebe Louise! Ich ambrassire Eüch von hertzen undt behalte Eüch recht lieb.
Freytag, den 20 Mertz, 1722.
Hertzliebe Louisse, man hatt gestern vergeßen, dieße relation vom fewerwerck[13] in mein paquet zu schließen. Es ist jetzt er[st] acht uhr, ich hoffe, die post wirdt noch nicht weg sein undt daß Ihr es noch werdt mitt meinem gesterigen brieff entpfangen konnen. Aber ich muß mich eyllen, kan nichts mehr sagen, alß daß ich Eüch von hertzen lieb behalte.DESCRIPTION
De la Fête magnifique, du feu d’artifice et des illuminations du Palais Royal, pour l’heureuse arrivée de l’Infante, Reine, à Paris.SON ALTESSE ROYALE, Monseigneur le Duc d’Orleans, Regent du Royaume, a ordonné une fête publique, où l’on n’épargnât rien pour celebrer l’heureuse arrivée de l’Infante, Reine, à Paris; la magnificence de ce grand Prince, y éclatera avec toute la pompe imaginable, et comme le sujet de cette Fête est le chef-d’œuvre merveilleux de sa Régence; on ne verra dans cette solemnité que des objets marquez, pour ainsi-dire, au coin de l’admiration, et qui la feront regarder dans tous les tems, comme l’Epoque la plus Glorieuse de la Monarchie Françoise.
S. A. R. a choisi Monsieur Openor, Escuyer, Directeur General de ses Bâtiments, pour faire le dessein, et diriger l’exécution du Feu d’Artiffice et des Illuminations; cet édifice de flammes elevé sur les ombres de la nuit, sera orné des décorations les plus simples, quoyque les plus nobles de l’Architecture.
On verra d’abord la Place du Palais Royal décorée, tout au tour, d’un ordre de bossage feint en Marbre, profilé d’une quantité prodigieuse de Lampions, qui comme autant d’Etoilles brillantes, formeront un espece de firmament terrestre; on entrera dans la Place par deux Arcs de Triomphe, dressez aux deux avenuës de [seite 2] la ruë Saint Honoré, ils seront d’un ordre Dorique isolé à double face terminé par un Attique, courronné des Armes de France, avec des Lustres et des Girondoles; aux deux côtés de la Place. Depuis les Arcs de Triomphe, jusques aux ruës Fremanteau et S. Thomas, regneront deux Portiques, soutenant deux galleries découvertes, dont la balustrade sera ornée de Tapis feints en velours, brodé d’or et éclairée, d’espace en espace, d’obelisques et de Girandoles ardantes, qui rehausseront les riches parures de la foule extraordinaire du beau monde qu’on y aura placé, deux Arcs de Triomphe en retour, termineront les deux galleries, et marqueront l’entreé des ruës Fremanteau et Saint Thomas, ils seront couronnez de deux Pavillons feins en drap d’or, au milieu desquels on apercevra (en Marbre blanc) les Portraits du Roy et de l’Infante, Reine, le premier à la droite et le second à la gauche, tous les deux dans un ordre convenable, entourrez de Guirlandes de Fleurs naturelles, semées d’une multitude de Luminaires qui sembleront emprunter [350] leur éclat de ces deux Astres de la Royauté; entre les deux Arcs de Triomphe se presentera la façade servant de baze au Feu d’Artifice, construit dans le même ordre qu’on a dit cy-devant, avec portique, gallerie découverte, Tapis Royal feint en velours brodé d’or, obelisques et Girandoles ardantes; le milieu de cette façade sera paré d’une grande Arcade, cantonnée de Pilastres et d’arriere corps, profilés par de Cariatides de Bronze doré, au-dessous du ceintre de l’Arcade paroîtront les Armes de France et d’Espagne, accolées dans le même Cartouche, surporté par la. Renommée et la Victoire sur un fond, orné d’un Tapis Royal, cantonné de deux Cartouches ovales, daus lesquels seront représentez les Chiffres du Roy et de l’Infante Reine. La balustrade posée sur le Portique, sera soutenuë eu ces endroits-là par deux Tritons, terminez en guaine, accompagnez de Coquilles et de plantes Aquatiques.
Ces ornemens seront surmontez d’un Soleil d’Artifice, environné de cent rayons, qui jetteront autant de torrents de lumiere durant cinq quarts d’heure, au-dessus des Armes de France et d’Espagne accolées, et au deux côtez de la Couronne Royale, paroîtra une Banderôle voltigeante, sur laquelle on lira en gros caractere d’or, ces mots Latins:
[seite 3] Nativo junguntur amore.
L’amour du Sang les unit.
Ces paroles se rapportent également au Mariage du Roy avec l’Infante, et au Mariage du Prince des Asturies avec Mademoiselle de Montpensier, et comme tous les quatre sont des rejettons Illustres de l’Auguste Race des Bourbons, les Armes des deux Couronnes jointes ensemble, forment sur ce sujet une emblême fort naturelle, avec ces mots Latins qu’on vient de lire, et qu’on pourroit ainsi paraphraser à la loüange de Son Altesse Royale:
Quel prodige en ce jour! fais-tu Regent Celebre?
L’himen joint, par tes mains, quatre Lys les plus beaux,
Et tu sçais allumer ses plus brillants flambeaux,
Dans les flots couroucez de la Seine et de l’Ebre.
Au-dessus de la même Arcade, on appercevra dans l’éloignement la cime du Mont Ætna, d’où le gros de l’Artifice partira avec tant d’impetuosité qu’on croira que les Titans ensevelis sous cette Montagne infernale ressuscitent en fureur, et qu’ils poussent mille rochers brûlans jusques au Thrône de Jupiter, pour se vanger de ce [351] qu’il les écrasa de son foudre, lorsqu’il tentèrent d’escalader l’Olympe, pour le chasser de son Thrône: on verra (dans des attitudes admirables) les trois principaux Titans; sçavoir, Encelade, Coée et Tiphon, accablez sous les rochers de cette Montagne, laquelle s’entr’-ouvrira d’intervalle en intervalle, et semblera vômir chaque fois tous les feux des Enfers et transporter Pluton lui-même sur des nuages fulminants: cet artifice prodigieux s’étendra aux deux Galleries qui regneront aux deux côtez de l’Arcade, et qui seront garnies d’Orangers feints; audevant de l’Arcade, il y aura une fontaine d’une composition toute singuliere et parfaitement belle, il en sortira un jet de feu liquide, qui formera une Cascade à doubles napes, lesquelles tomberont dans un Bassin en saillie, de sorte que la fontaine d’eau nouvellement construite en cet endroit-là, paroîtra metamorphosée en fontaine de feu; outre cette fontaine, il y en aura quatre autres d’où le vin coulera à grands flots par la bouche de quatre masques, deux desquels seront [seite 4] placez au milieu des deux portiques de la façade, et les deux autres au milieu des portiques des deux côtez de la Place; cette boisson abandonnée au peuple donnera lieu à une Comedie Bachique infiniment recréative; plusieurs muids de vins en fourniront la matiere; les Trompettes et les Tymbales, avec beaucoup d’instrumens de Musique, en composeront l’orquestre.
La façade du Palais Royal donnera un grand relief au spectacle de la Place; par l’illumination pompeuse qui l’éclairera, sa grande porte sera couverte d’un dais en forme de Pavillon brodé d’or, couronné de deux grandes Aigrettes; ce Pavillon marquera la place du Roy, et portera dans le bas relief en Camayeu, cette legende en lettres d’or:
L’alliance de la France avec l’Espagne.
Les principales Architectures de cette façade seront profilées de flambeaux de cire blanche et de lampions innombrables.
Les deux courts interieures de ce Palais auront la même décoration lumineuse. Un bal des plus superbes dans tous les Appartemens, avec beaucoup de rafraichissemens des plus délicieux, précedera, de deux jours, ce spectacle magnifique; je n’en diray pas d’avantage de peur d’eu diminuer la splendeur par la foiblesse de mes expressions.
Veu, Permis d’Imprimer, ce 13. Mars 1722.
DE BAUDRY.
De l’Imprimerie de la V. GROU, ruë de la Vieille Bouclerie, à l’Image S. Jacq.
